Gilles de Chasles

Poète autrement

  • Doux Emmanuel du Thabor

    Nous allâmes de la place Vendôme aux ors
    Par un froid soir d’hiver au Mont Thabor
    Voir Emmanuel à la barbe copieuse
    L’homme était si doux à la mise radieuse
    L’être très beau, la rencontre fut magnifique
  • Tout va très bien

    Au silence de la minute d’après
    Tu nous as confié ton éternité
    Ouvrant sur les étoiles d’un doux vent frais
    Ton âme, céleste et ta vaste bonté

    Etre sans bruit, aux battements de nos coeurs
    Tu es là, au panthéon en couleurs
    Des hommes et des femmes simples et influents
    Plus qu’un homme, une gentillesse, un talent

    Au repos désormais, les yeux malins
    Nous voilà tous rassurés, toi, serein
    Au pendule de la vie, sans surprise

    Tout va très bien

  • Nocturne marine au Sillon

    Au soir humide des traitresses pluies d’ocre automne
    Alors qu’au loin des maisons, le ressac tonne,
    Aux pas fuyants des verts amants poivre et argent
    La houle baleine se cache à l’eau, mouillant les passants.

    Nous deux, ombres fluettes, à l’imaginaire oppressé
    L’âme allumette, le couple en boule, la gloire passée,
    Nous marchons. Nous errons. Nous arpentons, fats, le Sillon.
    Regards fugaces… Quel devenir ? Soudain, le frisson !

    D’une chandelle de blanche écume, nous voilà trompants
    Le raisonnable en questions… Nos avis séchants…
    Le monstre mer fulmine et rugit. L’heure de rentrer.
    Dame sourit

  • Lorsque

    Lorsque le sort t’abandonne, et que l’adversité te fait farce, alors abandonne-toi à l’autre et laisse sa force faire face à ta place.
    Surtout, ne résiste en rien, ne te crois jamais moins que bien, tu n’arriveras à rien, sinon à enrichir ta peur.
    Accepte de te laisser surpasser par ce qui te surpasse.
    Aie l’audace de l’humilité pour seule ambition.
    En un mot. Sois.

    Gilles de Chasles

  • Le scandale de Chasles

    poème aux élèves qui sauront

    Un jour se saura, ô hélas, que notre ami,
    Las, le Poète est mort, dans la cour d’une école,
    Gisant, sur le noir bitume, du sol de sa vie,
    De s’être traîné là, au courage par le col.

    De tous ces jours, où ses jambes se seront faites plomb,
    Nous tous, en automne, auront nos sanglots si longs
    Ses vers en mémoire, notre honte pour vous, nos aieux .
    Votre silence monotone en or d’adieu.

    Votre argent, pingre, se fera pelle de sa tombe..
    Si pauvres vos bravos, votre fardeau, notre destin.
    Arbeit macht frei, son camp d’extermination

  • Mon Malo aux vents

    Mon Malo aux azurs en tourments,

    Tes saints sous la fougue du vent,

    Que je t’aime, malouin de la Rance

    De tes visages en très folles transes !

    Tempête et pluie en cris,

    Aux bruits de mes ouïes,

    Mes yeux au tranchant métal

    Lacérant ton émeraude au pâle 

    De tes flots huitres et argent ;

    Mes bottes sur la plage t’arpentant,

    Je suis aux larmes sous ton charme fatal.

    Gilles de Chasles

  • L’Homme moderne

    L’Homme moderne se moque des poèmes
    Dire pour faire
    Gagner pour dépenser
    Remplir pour vider
    Paraître pour donner à être
    Voir tout pour savoir
    Payer pour tuer sa peur
    Savoir pour tout croire

    L’Impossible pour possible
    Accélerer pour freiner
    Aller chercher le proche au loin
    Baiser pour aimer
    Détruire pour moins bien refaire
    Prier pour attendre

    En attendant ne plus savoir que faire

    Et toi dans tout ça ?
    Toi, tu en es restée, Humanité
    À t’enfermer pour tuer mémé,
    De son immense solitude
    Toi ,la toujours pressée après le temps
    Le temps qui te manque justement
    A lire Baudelaire et Rimbaud
    Pour poèmes d’aujourd’hui
    Et à sombrer d’avoir oublié
    Les mots suffisants à dire

    autre chose de la vie que beauté



  • Titi, le chat de Paul

    Mon chat est espiègle.
    Mais c’est mon ami.
    Il transgresse les règles ?
    Ah non ! mon Titi !

    Tout noir dans la nuit
    Il chasse les souris
    Manger le canari ?
    Jamais, mon Titi !

    Ce jeune chat très joueur
    Met de bonne humeur.
    Lui, le plus gentil !
    Je t’aime, mon Titi !

    Un petit garçon, Paul , m’a demandé si je pouvais lui écrire un poème sur son Titi noir .

  • Rhum de route, le monde à l’envers

    Étant allés de bon matin
    A Saint Malo depuis Antrain
    Nous nous sommes quelque peu perdus
    Pourquoi donc étions nous venus ?

    Au débarqué des quais, hagards
    Saoulés de la foule, nos regards
    Faufilés sur ces rêves flottants
    Aux couleurs du monde délirant

    C’en était trop ! Nos souscriptions
    Immédiates et radicales
    Aux marchands d’éthyle, nos têtes de pions
    A la mer, ses bateaux, au rhum, ses chacals
    Qu’importe que les verbes aient disparu, nous buvions
    Au forum des rhums en déroute, Antrain les champions !
    Au mal de nos mères, hermétiques
    Chamboulés sur la terre, émétiques

    Au petit matin déguisé en cimetière
    La foule, la haine en berne, sans entrain
    Jo, notre bon copain, trop jeune en terre
    Le monde enfin marche sur la tête à sa fin

    A ces marins d’exception, cette question:
    Pourquoi donc partir puisqu’à l’arrivée nous obstinons à faire tourner la Terre à l’envers ?
    L’Homme se noie dans des flots d’argent,
    Sous peu les poissons auront disparu
    Nos illusions devenues poivre de mer.


  • Napoléon colère

    Moutarde me monte au nez quand surgit ma colère  

    Homo disparait laissant place au délétère

    Je me fuis, je m’emporte dans des flots rugissants

    Je ne suis plus de moi-même qu’être agonissant

    Je m’explose, je me tue. Calme. Paix est mon cratère

    Le joug de ma sombre rancune, git là. Cimetière

    Apaisé est en moi le vide lénifiant

    Hitler est mort, me voilà remplit du néant

    Rayon de sourire alors dans ma brume transperce

    Tu es là debout, objet fou de ma colère, l’ogresse  

    Ton franc rire m’illumine, passée est l’averse

    Arc en ciel es-tu, disparue ma tristesse

    Moite et penaud, mon regard toise mes pieds.

    Pus osant un œil vers le haut, je suis gâté  

    Minuscule, tyrannique et colérique.

     Bond immense est de ta clémence le pardon  

    Corse ile de beauté, de   ta douceur le tréfonds

    Tu es belle et grande, et-moi ton porc-épic

    Ton petit.

    Nabot néon

Gilles de Chasles

Poète du quotidien transformé

“Il y a des jours où les mots ne viennent pas pour dire ce que l’on est. Alors on les invente.”