Gilles de Chasles

Poète autrement

  • Handicapé

    Le regard haut, sois !

    Handicapé, 

    Sois courageux
    Accélère quand tu ralentis
    Agis quand tu n'en peux plus
    Souris quand tu pleures.

    Sinon ?
    Arrête toi, ne fais rien, et sombre.

    Alors ?
    Oublie les chanceux qui souffrent si peu
    Et souffre du mieux que tu peux
    Eux à ta place ne sont rien
    Toi à la leur ? Si fort,
    Qu'eux n'en pourraient plus!
    A toi le courage de faire
    A eux la lâcheté de croire.

    Allez va et souffre tant que tu peux !
    Ce sera toujours mieux qu'être couard !

    © Gilles de Chasles
  • Thriller d’une poussière

    Rappel à la raison


    Un mouton de poussière était là

    Banalement là, au ras de la terre

    Balloté de ci, de là, aux doux aléas

    Des malicieux courants d’air

    Lorsque, se fit entendre soudain

    Le ronronnement sourd et lointain

    Inquiétant machinal et constant

    D’une approche au futur angoissant

    Le mouton sans aucune expérience

    Au plus fort de sa réelle insouciance

    L’ignora le plus longtemps qu’il put

    Sans l’émouvoir autant qu’il fallut

    Le caractère désormais éphémère

    Et angoissant de sa fébrile carrière

    Était suspendu au probable attentat

    A moins que ce projet lointain n’avortât

    Stoïque, exemplaire, incorruptible

    À l’annonce de l’inévitable glas à venir

    Notre mouton scruta sobrement son avenir

    Délaissant son trépas à ce point si prévisible

    Puisque le balai de l’aspirateur était

    Désormais là, au plus près de lui.

    Pitoyable fut la fin de ce grand dadais

    La probité aurait tant souhaité qu’il s’enfuit !

    Mais non ! A notre plus grand dam

    Cet imbécile ne résista pas, l’infâme !

    En guise de morale ,

    A cette banale fable

    Il est certe opportun

    De nous rappeler, car certain

    Que nous aussi ne sommes que poussières

    Qui face à l’aspiration du temps

    Ne serons guère plus fiers

    Que ce mouton dont nous espérions tant.


    © 2021 Gilles de Chasles

  • Kévin n’a pas déjà dix ans

    Kevin n'a pas déjà dix ans
    Qu'à l'école, il s'ennuie
    Profondément
    De ce tunnel de temps
    Long et triste comme ce jour de pluie
    Pour échapper à son supplice d'enfant
    Il s'enfuit de là, sans que personne
    Ne le rattrape, le professeur est d'ailleurs,
    Dans sa leçon, Kevin lui est indifférent.
    Le programme scolaire, son seul intérêt
    L'inspecteur est là, jour d'inspection

    Au départ de la fenêtre
    Le garçon est arrivé à destination
    De là, où lui seul sait aller
    Au royaume de ses questions
    Nombreuses et d'importance
    Quel est le volume d'une goutte de pluie ?
    Sa vitesse de chute?
    Leur nombre au mètre cube?
    Le nombre de molécules
    De H2 O ?

    Soudain, l'inspecteur s'approche
    De Kévin, pas des réponses
    A son bouillant questionnement
    Sous l'œil terrorisé du professeur
    Qui s'aperçoit, trop tard
    Que reproche lui sera fait
    D'avoir négligé le petit Kévin
    Cet enfant attachant
    Dont il court après le mystère
    Qu'il connait si bien
    Et L'inspecteur
    De Si loin.
    Ou
    Si...
    Peu ?

    Hein ?
    Bonhomme !
    Euh, pardon, c'est pourquoi ?
    Ça ne t'intéresse pas,
    Ce que dit ton professeur ?
    Heu, si mais je le sais déjà.
    Tu ferais mieux d'écouter,
    L'école est là pour toi.
    Pour t'aider à apprendre
    Et à devenir grand .
    Oui. Monsieur…
    Enfin, non.. oui ?

    L'inspecteur retourne s'asseoir
    Content d'être venu au secours
    De cet enfant rêveur
    Et oublié, il en fera mention
    Sans son rapport
    D'inspection
    Kévin lui
    Est déjà reparti
    Dans la question suivante
    Celle
    De la composition chimique
    De la goutte de pluie

    Kévin n'a pas dix ans
    Qu'à l'école il s'ennuie
    Profondément.

    Il me ressemble tant
    Moi, l'enfant
    Qui suis devenu son professeur
    De cette école
    Qui décidément
    Ne nous comprend pas.

    Fin de l'histoire ?
    Ou
    D'un échec ?

    Institutionnel ?
    Ou
    Professionnel ?

    Il pleut
    Et je m'évade
    De cette école
    Qui continue
    À nous faire mal
    A Kevin
    Surtout

    Moi je suis
    Devenu
    Grand







  • Rue de la Fontaine

    L’élan de la descente en esse
    Au sortir de Sainte Croix
    De la nonchalante paresse
    La gravité pousse vers le bas

    Dernières bâtisses
    Anarchiques et indifférentes
    Le regard sur leur façade glisse
    Entraîné par la fougue de la pente

    Saillant la jusque là grisâtre monotonie
    Jaillit la somptueuse lumière utérine
    D’un porche dépassé par l’honneur
    D’être l’incandescente bouche du bonheur

    A cette extraordinaire et propice chance,
    Solidor offre enfin la naturelle beauté de son anse

    Maritime et variable au gré du temps et du vent
    Elle échappe avec malice à l’instable regard de l’inconscient qui passe las.

  • Salauds de pauvres

    Messages aux ultra-riches

    Salauds de pauvres, riches à foison

    Assoiffant l’autre plus que de raison.

    Pleins aux as et si pauvres en cœur

    Qu’ils laissent les autres crever de leurs peurs

    Salauds de pauvres, riches en crainte de manquer de rien

    Empêchant l’autre de manger un tout si petit rien

    Se croyant si forts qu’ils sont si fragiles

    De tout perdre, leur talon d’Achille

    Crever de votre plein de fric, pétez-vous-en la panse !

    Oubliez de partager, vous savez ce que le monde en pense.

    Ultra-riches, continuez à vous enrichir à outrance

    Vivez pleinement votre vie de ratés d’humanité,

    Seuls à votre table quand les autres sont nombreux

    Votre âme le sera tout autant dans l’éternité
  • Les gens

    Ode folle du petit matin à l’humanité
    A low angle shot of a group of people walking on the street
    On connait tous des gens. 
    Mais, au fond, on n'en a rien à foutre des gens
    Car, qui sont-ils ces gens, masse molle et informe,
    Troupe d'anonymes au faciès morne ?
    Les gens, ce sont tous les autres sauf nous.
    Nous, je veux dire moi. Moi, à l'ego triomphant et capricieux.
    Fier de ma connerie et de mes suffisances.
    Taiseux de ce que je peux être et de mes insuffisances.
    Pour les autres, moi aussi, je suis des gens.
    Minable anonyme, petit et prétentieux
    Pourtant, sans vous, les gens, je me sens seul et pitoyable.
    De cette solitude pesante, possible et oppressante, j'en ai créé un cri.
    Un cri d'amour, un cri du cœur :
    Gens, je vous aime!
    Non par défaut : Vous êtes le reflet de mon âme.
    Vous êtes moi. Je suis vous.
    Gens, je vous aime de toute mon âme.
    Car je suis vous.
  • Immigré

    A qui profite l’offense ?
    Adobe Stock
    Extirpé de son ailleurs contre son gré
    Poussé par la faim sur la mer, non sans regrets
    De quitter père, mère, famille, et amis
    Le voilà arrivé à Lampedusa
    Soulagé d’avoir échappé à l’au-delà,
    Hagard et en vie,
    Il est là, trempé, soulagé et à votre avis, ... ?

    Vous êtes-vous un jour demandé
    Si de l’un ou de l’autre, vous étiez l’autre.
    Au pile ou face de la destinée
    Celle qui vous poussé jusque-là, à l’aube ?
    De votre désillusion, car le bagne 
    Vous attend au pays de cocagne
    Pour satisfaire la médiocre vie de l’un
    Qui a fait de vous son homme de main

    Invisible qui lui rend service
    Vous voir le mène au supplice
    De tant vous ressembler dans votre différence
    A qui profite l’offense ?

    Lui a migré de son pays,
    Et vous de votre humanité,
    A l’homme haï
    Qui êtes-vous en réalité ?
    Celui qui ne se contente pas du bonheur
    D’avoir à si vil prix un serviteur ?
    Si vous le renvoyez, qui s’occupera
    D’exécuter ce que vous ne voulez pas ?
    A qui profite l’offense 
    D’exacerber à ce point notre différence
    Le rendant coupable de notre indifférence
    Et coupable de notre défiance ?
    L’un et l’autre depuis toujours ne faisons qu’un
    Sauf aux yeux de cupides coquins
    Prêts à tout pour tout obtenir de vous :
    Votre honte, votre dignité et vos sous.

    Le coupable est là, peut-être vous ?
    De cette histoire de fous et de faim,
    Ne serait-il pas temps d’en siffler la fin
    Notre cupidité, notre soif de plus que tout,
    De pas assez ou de trop 
    Ne mérite-t-elle pas que nous soyons généreux du cœur
    Et avare en rancœurs,
    Pour nous sortir tous de ce marigot ?
    La terre est vaste, nous n’avons rien à perdre
    D’abandonner nos peurs au profit de notre envie de meilleur
    De substituer à la préférence nationale, celle du bonheur
    De faire de nous des hommes dignes et intègres

    Nous avons cette unique responsabilité
    De faire perdurer l’Humanité,
    C’est énorme et bien assez
    Pour ne pas nous égarer en stériles conflits d’intérêts.



Gilles de Chasles

Poète du quotidien transformé

“Il y a des jours où les mots ne viennent pas pour dire ce que l’on est. Alors on les invente.”