Gilles de Chasles

Poète autrement

  • Le zèbre

    Réfléchis avant d’ouvrir la bouche…

    Zèbres,

    En apercevoir là, au loin
    Est bon signe, vous y êtes enfin !
    Au bon milieu de la savane
    Les noirs et blancs sont là, pas crânes.

    De vos quatre roues motrices,
    Vous vous précipitez vers eux,
    L’espoir de retrouvailles complices,
    Vos si vieux compagnons de jeu !

    Il vous tournent le dos, ingrats
    Qui vous saluent du postérieur,
    Ni chevaux, ni ânes, ces malfrats
    Noirs et blancs, même pas couleurs.
    Broutent et broutent et vous déroutent
    De vous , le zèbre, rien à foutre.

    Votre QI ne sert à rien,
    Que pensent, au fond, ces africains ?
    A la pensée jamais percée,
    Leur nonchalance est célébrée

    D’un inattendu fouet de queue,
    L’entrevue muette, n’a plus lieu
    Dégage de là , voilà le lion.
    Rappelle toi bien, tu n’es qu’un pion
    La question n’est pas noir ou blanc
    Car leur réponse est noir ET blanc .

    D’un vibrant frisson de crinière,
    Tu passes à l’oubli , sois en fier !
    Il s’en est fallu de si peu,
    Toi le fier, qu’ils te bottent le cul !
    De réfléchir si bien et si mal
    Sombre piètre maître animal
    De rien tu ne t’es aperçu,
    Que tu ne comprends rien ?
  • Sur les quais de la Douane d’état

    Derniers mots avant ton départ

    En ton absence, je t'imaginerai. 
    Ailleurs ou pas là ? Quelle différence ?
    Alors pars tranquille, jamais je ne t'oublierai.
    Ailleurs ou ici ? Je sens en moi ta présence.
    Mes larmes couleront, c'est une évidence. 
    Les retenir serait au-delà de l'affront te mentir,
    De ce que tu es pour moi, ce doux plaisir
    Que je ferai perdurer par l'imagination en ton absence.
    Pars en voyage, âme sœur. 
    Ne te retourne pas et va.
    Loin des yeux, mais jamais du cœur,
    Ton souvenir restera à jamais ici-bas.
    De toi, je garderai pour moi à jamais l'amour 
    De cette belle personne que tu fus tous les jours.
    Seul me manquera ton corps
    De ton esprit, je serai fort.
    Pars en voyage, âme sœur. 
    Ne te retourne pas et va
    Je te souris, je te pleure
    Ne te retourne pas et va.
  • Demain , dès l’aube,

    A l’heure où blanchit la campagne,

    Je rirai. Vois tu, je sais que tu m’attends

    J’irai par le fou rire, j’irai par la joie

    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

  • Marcelle

    Ou le triomphe de la modernité ?

    Vingt ans auparavant, elle s’appelait Marcelle. 
    Elle était déjà vieille, mais habitait chez elle.
    Dans sa grande maison, seule, veuve de son Paul
    Elle souriait à la vie, la tête sur les épaules.

    Aujourd’hui, à la voir, si peu, en vérité
    Du haut de ses cent ans ; son esprit l’a quitté
    La tête sur le lit, les yeux vers le mur, clos
    Simple bouche à nourrir, oubliée de la mort.
    Elle réside à l’ehpad, combien de temps encore ?
    Sa dignité partie, secs seront les sanglots.

    Le président l’a dit, un soir, quoiqu’il en coûte.
    L’héritage en fumée, l’avenir en déroute,
    La télé de la peur, il faut sauver l’Ehpad.
    Les enfants vaccinés, plus de promenade.

    Le virus l’a-t-il su ? Marcelle ne l’a pas vu.
    Elle est décédé seule, la mort étant revenue.
    Cercueil en sac plastique, morte Covid pour l’Etat.
    Seule sans pompe funèbre, ni curé en tout cas.

    La mort a ses oublis, ses victimes se comptent.
    Comptes bancaires dévastés, vils mouroirs de la honte.
    Mamies privées d’amour, le dimanche excepté
    Seul jour de la vie , la peur de la mort a gagné.

    Est-ce là le triomphe de la modernité ?
  • Triste

    Poème à la disposition des personnes en deuil


    Triste et lourde est ma vie
    Les jours gris sont sans fin
    L’éternité, sans tain.
    L’amertume d’être en vie
    J’erre, je ne sais plus, goût de rien
    Où, pourquoi, quand n’ont plus de sens
    Désespoir, je demande clémence
    Je suis vide de toi, tu le sais bien


    Triste et lourde est ma vie
    Les jours gris sont sans fin
    L’éternité, sans tain.
    L’amertume d’être en vie
    J’erre, je ne sais plus, goût de rien
    Où, pourquoi, quand n’ont plus de sens
    Désespoir, je demande clémence
    Je suis vide de toi, tu le sais bien

    Les larmes en guise de mots,
    Je ne sais plus quoi dire.
    Ton sourire me revient parfois
    Beau message, je te sais en paix
    Les rimes m’agacent,
    ta poésie n’est plus
    Et je pleure du mieux que je peux.

    Tristesse , tu me remplis
    L’heure viendra, je le sais,
    De t’abandonner
    Je n’y pense pas ,
    j’ai encore trop mal

    © Gilles de Chasles

  • Être et paraître

    À ne pas être en mesure d’être,
    On préfère le paraître.
    On fera mieux de dire notre incapacité
    Ça se verrait moins, d’être en vérité.

  • Anthony

    SDF aux frontières de ta bonne conscience

    Anthony, l’assis par terre qu’on regarde de loin

    Boit plus qu’il ne faut, certainement plus par besoin

    D’une accoutumance, plus que du goût du flacon

    Qu’il aima un jour trop par pure déraison

    Anthony, même pas punk à chien, doux comme la vie

    Philosophe à ses heures, assis sur le parvis

    De sa chienne d’existence, à ce départ raté

    Des jupons de sa mère, de son sein abandonné.

    On lui jette une pièce comme pour acheter la sienne

    L’amour au fond des poches, le regard de honte en berne

    Pour mieux l’oublier le temps de trois à cinq pas

    De sa propre peur de l’indécence du temps

    À attendre sa vie comme son meilleur ennui,

    à regarder ses mains à ne savoir qu’en faire,

    Il vit la trahison de son imaginaire

    Béat, innocent de tous ses rêves qui fuient

    Toi passant devant lui, ne te fais pas le complice

    Du risque de déchéance de son importance

    Oublie ta triste pièce, porte lui assistance

    Assieds-toi près de lui, ne te fais pas police

    Assieds-toi et entends-le te narrer ses rêves

    N’écoute pas tes poches, garde-toi de tout reproche

    Ecoute attentivement ce qui vous rapproche

    De ta pièce, tu l’enfonces ; de toi seul, tu le lèves

    Et accorde toi d’être misère magicienne

    Prestidigitateur capable de peut-être

    Espérer n’a jamais tué ni homme ni possible.

  • À Saint-Malo des Flots

    A Saint-Malo, des flots, le visage mouvant 
    Des nombreuses couleurs, au vaste fil des heures
    Courant des pleines marées au bas du jusant
    Illumine notre joie du plus grand des bonheurs.

    Des mémoires d’outre tombe au tombeau du Poète
    De l’Estuaire de la Rance à la proche Cézembre
    Des journées de soleil aux plus viles tempêtes
    Et la grâce s’étend, de janvier à Décembre

    Des riches heures passées, des remparts à errer
    Le corps sur terre, l’esprit ailleurs, ou au contraire
    Mon âme s’émeut des amoureux rencontrés

    Car, à Saint-Malo, de ses effluves marines
    À la confluence des énergies magnifiques
    Spirituel et fidèle, je me suis fait bernique.



    Poème dédié à tous mes amis malouins , et voisins.
    Et tout particulièrement.

  • Antoine et Cléopâtre 2021

    Postiche moderne du poème éponyme de José Maria de Herredia

    Tous deux ils regardaient du plus haut des remparts
    La tempête se quereller aux gris des flots
    Et le strident de l’air, siffler de toutes parts
    Ils étaient venus en weekend à Saint Malo.

    Et le Parisien sentait sous son chandail fin
    Cadre fier berçant l’illusion de l’impuissant
    Le frisson l’emporter sur son cœur défaillant
    Le désir voluptueux plus que ses amours feints

    Tournant sa tête coiffée d’un bonnet marin
    Vers celui qu’excitaient la prothèses de ses seins
    Elle tendit ses lèvres et ses paupières maquillées

    L’haleine mentholée, l’étalon de Saint Cloud
    Sentit son smartphone vibrer, c’était sa mère
    Un glacial immense où commençait la galère,

  • Injustice

    Injustice, ô combien je te méprise 
    De ton arrogance d’avoir tort,
    De m’assoiffer de ma juste raison !

    De ton impuissance à crier victoire,
    De tes crocs rageux tu me mords
    Espérant m’abattre, tu me rends fort
    La certitude éclairant mon désespoir.

    De mon écorce dont tu fais charpie
    De toutes ces amitiés soudain enfuies
    Au vent du temps inintelligent de la crainte
    Coule en moi la sève de la sérénité à peine feinte

    Un jour, du ciel gris de ces jours douloureux,
    Réapparaîtra la chaleur et la lumière de la vérité
    Je jubilerai alors d’un sourire intérieur, je serai heureux
    Au confluent des temps futur et présent,
    J’humerai l’air délicat et frais de la vie qui va.
    Tant pis pour la cicatrice, les amitiés esseulées.

    Je serai là.
    Droit
    Face à toi.
    Je te regarderai .
    Sans baisser les yeux.
    Le regard fier d’avoir eu raison
    Quand la raison me donnait tort.

    La vérité du présent n’existe jamais,
    Seule compte celle du temps qui reste.
    Ne l’oublie jamais.
    Imprudente pressée








Gilles de Chasles

Poète du quotidien transformé

“Il y a des jours où les mots ne viennent pas pour dire ce que l’on est. Alors on les invente.”