Io

Première lettre

Au beau milieu de la nuit, Io s’est brusquement réveillée. Elle s’est redressée. Elle a ressenti le besoin impérieux de se lever, de sortir de sa maison et d’aller au dehors. De sa vie, respirer.

Le lendemain, au petit matin, aux premières lueurs du nouveau jour naissant, une main a parcouru le froissé des draps de la nuit.  De ce côté-ci du lit, il était froid. Sans s’étonner davantage, elle a regagné la moiteur tiède, puis s’est rendormie. Io n’était pas revenue.

Entre temps, les fesses et le dessous des pieds nus dans l’herbe, Io a levé les yeux aux étoiles. Et a longuement contemplé. Puis à l’heure où il s’est dit qu’elle devait s’en aller, elle est retournée au silence de sa maison endormie, a laissé quelques baisers, a pris deux trois affaires, et après avoir pris soin de refermer la porte derrière elle, elle est partie. Vers un ailleurs où seule elle a su aller.

Quelques jours plus tard, elle est rentrée, à l’heure des tartines de pain beurre chocolat. Les petits bras qui l’ont chaleureusement et spontanément enlacée ont explosé de joie de la retrouver.  Leur peur s’était faite angoisse de ne plus jamais la revoir. A la question de « Maman tu étais où ? son visage est apparu. Il était beau comme la candeur de l’aube, frais comme l’air du couchant, il était souriant comme il ne l’avait jamais été jusque-là. Serein et paisible comme le sont les étoiles au firmament perpétuel, au-dessus de nos têtes. Celui qui est. Et que nous ne prenons jamais le temps, pas plus que de nous-même, de bien regarder. Et là est notre tort. Grand, et immense à tous.  

Il n’a jamais été un jour sans guerre ni violence au-dessous des étoiles, à la surface de cette petite planète bleue qui s’est nommée Terre pour les hommes, elle qui est Océan. Et ce depuis l’apparition de l’espèce homme qui s’en est crue propriétaire, à cause d’un leurre appelé intelligence.  Un trou infime s’est créé dans l’harmonie de la vérité, celle de mère Univers. La folie despotique d’un organe, qui s’est autoproclamé cerveau, constitué d’un nombre, quatre-vingt-six milliards de cette quantité imprécise de neurones qui se sont vus étoiles à la place de celles célestes, bien réelles et infiniment plus nombreuses et gigantesques a rendu le petit paradis presque enfer pour toutes les autres espèces qui y cohabitent en paix.  

Io regarde ses enfants. Ils sont beaux. Elle n’a pas réfléchi au moment de les quitter. La douleur en son cœur nait maintenant. A l’heure de prendre conscience du mal qu’elle leur a fait, de la morsure au sang que l’angoisse de ne peut-être plus jamais la revoir a laissé comme empreinte à jamais, sur leur âme si candide. Et pourtant il le fallait . Tout autant que la guerre des vaches n’a et n’aura jamais lieu, elle est partie à cause de l’intelligence des hommes et femmes à ne pas s’aimer ou si mal.

 Elle est allée qu’importe le lieu, quelque part au confluent des Ames sages vers lequel convergent tous les regrets de ceux qui ne sont plus, morts pour toujours ou ressuscites pour ceux qui le souhaitent, qu’importe la nature de ce qui n’est plus pour les vivants, qu’affaire de croyance. Elle est allée au petit cimetière marin là-haut, posé à flanc du coteau. Elle est allée dans les couloirs de la maternité où resonnent les pas courants des hommes à l’appel de leur paternité.  Elle est allée partout où se construit le bruit des hommes et leurs désagréments. Et elle est allée partout où se mure le silence de leur absence. Elle a utilisé tous ses sens et en a découvert d’autres cachés ou disparus avec le temps

Io est revenue. Elle est là. Le monde va changer.

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